encore une journée trop longue pour toi.
t'es fatiguée gazel, tes traits sont tirés, tes joues creusées (depuis quand as-tu eu un vrai repas ?), tes yeux cernés (depuis quand as-t passé une bonne nuit ?). tu ne sais même pas comment tu fais pour tenir debout. tes gardes te semblaient devenir de plus en plus longues, de plus en plus tristes.
t'avais l'impression de plus en voir la fin.
et quand tu rentrais chez toi la seule chose que tu voyais c'était leur visage. encore et encore, en boucle qui défile derrière tes paupières. (elle, elle, lui, iel, lui.) ceux qui ne s'en sont pas sortis (elle, lui, lui) ceux qui ne sont plus parmi nous.
alors autant ne plus rentrer.
ca faisait quelque jours que tu dormais dans la chambre de garde, comme tu pouvais ; tu ne prenais même plus le temps de rentrer chez toi. trop habituée a l'odeur citronnée des désinfectants qui était devenue ton quotidien alors que tes mains s'étaient desséchées a force de les nettoyer jour et nuit.
tu bailles gazel, soupire, peut-être que ce soir tu rentreras chez toi, portée par l'envie de dormir dans un vrai lit, celle de revoir bellamy, de parler un peu avec amaury, pourquoi pas sortir.
pour l'instant tu te laisses porter par tes jambes à travers les couloirs, vers cet endroit que tu ne connais que trop bien, attrapes une tablette, vérifie le nom de ton premier patient de la soirée et te dirige vers le lit numéro 4.
tu accroches un sourire a tes lèvres, essuies tes cernes du revers de la main.
comme si tout allait bien.
— Madame... Makri ? Apolline c'est bien ça ? Je suis Mme. El Samreen mais vous pouvez m'appeler Gazel ! Trop bonne, trop gentille trop douce, alors qu'il y a quelques secondes a peine c'était trop dur pour toi ; tu joues un rôle gazel, et tu es une excellente actrice. Qu'est-ce qui vous amène ici ?
rien de grave tu l'espères.
tu ne veux pas voir un nouveau drame se dérouler sous tes yeux.