Sur sa figure, l'air moitié béat du touriste pas à sa place. Les chaussures élimées laissent dans leur sillage un chemin de sable sur la pierre polie. Origo l'inconnue (pour lui, pas pour Layla - quand Rose la regarde, il devine déjà que ça ne va pas) leur tend drôlement les bras, et la tour interminable se dresse au-dessus d'eux comme pour les narguer (voyez comme vous êtes minuscules vous qui passez ces portes). Et aux yeux de Rose, bien que le territoire soit inconnu, il y a une constante qu'il a bien connue : ces visages tout autour se ressemblent tous. L'aventure s'était annoncée surprenante, et l'occasion était trop bonne pour ne pas la saisir, mais la réalité était curieuse ; drôle de frisson le saisit lorsqu'il appréhende les lieux.
Et comme pour couronner le tout, l'attroupement de vieillards qui traîne la patte au son monocorde du pauvre guide assigné à leur groupe assez peu vaillant ; Layla et lui ne collent pas au tableau, voilà la seule certitude. Mais lorsque Rose lève les yeux au ciel, il devine bien que l'architecture est sensationnelle, que les angles des couloirs feraient de subtiles cachettes et que le terrain de jeu qui s'offre à eux recèle de merveilles invisibles aux yeux fatigués des touristes attroupés. Alors il pouffe à la suggestion de Layla, lui jette un coup d'œil inquisiteur comme pour vérifier sa sincérité. Dans ses yeux, il ne lit pas de doute. Gamin se dandine sur lui-même, traîne un peu plus la patte et acquiesce finalement.
"Eh, tu crois même qu'on peut filer tout en haut ?" Le défi est alléchant, il se demande à quoi ressemble la vue, d'en haut ; la vision des grands. Et Rose n'est pas le plus rebel des enfants, pas le plus aventureux des adultes, mais dans le sillage des idées mutines de son amie, il se laisserait emporter volontiers. Alors il attend simplement que l'occasion se présente, que le guide marque un virage vers un couloir adjacent pour entremêler ses doigts à ceux de Layla et la tirer avec lui dans la direction opposée. "Par là ?" il demande alors qu'il l'entraîne déjà à sa suite. Il ignore tout de la direction, de ce dont sera fait leur épopée maladroite... tout ce qu'il sait, à cet instant, c'est que la présence de Layla seule est plus plaisante que celle des vieux croûtons, et qu'elle avait sur le chemin eu l'air un peu bougon de ceux qui rebroussent chemin à contrecœur, alors qu'un sourire espiègle lui sied mieux au teint. "T'es déjà venue ? Tu me montres ?"