memory of dustIls s’étaient enfuis sous la dernière des brises nocturnes, par-delà les murailles humaines d’Origo et loin de la vivacité sémillante de leurs lumières, vers l’inhospitalité des dunes lointaines où même le sable –d’ordinaire se dépeignant d’un or étincelant– semblait alors se fondre dans l’immensité sombre et liquide du ciel. Dans un camaïeu façonné de cobalt et de saphir, à l’esquisse même de cette toile vertigineuse, nul nuage n’osait s’aventurer pour en dénaturer l’essence : sombre et imprenable, la nuit tenait vaillamment son empire à l’assaut du sursaut inéluctable de l’aurore.
Balancés au pas monotonement lancinant des bêtes qui les menaient dans leur quête désertique en nom et pour cause de l’inspiration couturière, tant Madame Von Ordelia, reine de la Maison Olympe, que Nemanja, prince autoproclamé de la Maison Yoshiwara, paraissaient quelque peu déplacés, perdus, ensablés mais dévoués de toute part.
Les heures s’écoulaient, lentement et suivant la course du soleil naissant, à l’instar du sable qui dévalait les pentes sous les lourds sabots des dromadaires, dont les poils s’humectaient progressivement sous le joug de la chaleur croissante. Lorsque vint l’apothéose, la Découverte à la majuscule certaine, celle-ci se fit à la coupe flamboyante de la lumière fracassée sur les pierres millénaires, aux racines de roches plus anciennes encore, sans doute – se plait à fantasmer Nemanja—engoncées profondément dans la poussière de toute chose jusqu’aux profondeurs telluriques de la terre elle-même.
Aboyant un rire, sauvage et insoumis, Nemanja ne peut qu’offrir le plus grand de ses sourires à son hôte improvisé au détour de rencontres nées du destin lui-même : Indescriptible, c’est bien là le mot qui convient à pareille vision. Puis, un haussement d’épaules, dans une semi-démonstration d’intérêt : Ça ne m’étonnerait guère, la région n’est pas exempte de telles tempêtes et les vents peuvent être plutôt dévastateurs par ici.
Sa main navigue dans un geste précis, pavlovien, retraçant pour ce qu’il serait sans conteste des centaines et des centaines de fois exercé. Venez, rapprochons-nous. Avez-vous apprécié la traversée jusqu’à présent ? Un éclat de rire, vulgairement mâché sous le vif d’un geste afin d’essuyer la sueur enfuie de l’humidité chaude de mèches collées à son front. Ne laissez pas votre teint de marbre s’exprimer à la place de votre cœur, et croyez-en l’expérience du plus roux des natifs d’Origo : quoi que le soleil fasse abattre sur votre peau et s’échine à la peler, les merveilles enfouies sous les dunes du désert valent bien tous les sacrifices.
Voilà l’historien qui s’avance, le conteur guettant à fleur de peau, main tendue et balayant magistralement la fresque de pyramides exposée : N’est-ce pas donc grandiose ? Il n’y a qu’aussi loin d’Origo que de telles choses puissent exister.