Same place,
but so far away.
Il ignorait le temps, ni même quelles saisons il tirait ces jours. Il croyait monter des escaliers que seul lui pouvait grimper, montant encore et encore vers un ciel solitaire, céruléen. Il espérait un horizon dénué d’effroi, calme contrebalancé par la Société. Peut-être, arrivé à destination, pourra-t-il délinéer un destin, un avenir, une ambition ? Le linge opalin seyait ses lignes félines. Le tissu chamarré d'or se balançait sous ses mouvements empli d’un don inné. Chacun de ses pas respirait une grâce et une éducation de la haute sphère d’Origo. Sa toison dorée l’auréolait tel un Saint, on aurait pu l’apparentait à d’ancien dieu céleste, ou cligner des paupières tellement il paraissait irréel dans une ville si éloignée de lui. Les murmures impromptus s’élevaient de son sillage. Il n’en faisait jamais guère attention à part dans l’intimité pour mieux ajuster une image millimétrée.
La fragrance du whisky lui fit froncer des sourcils. La musique parvint à peine à satisfaire son oreille délicate. Descendre les escaliers, se retrouver dans le lieu le plus select de toute la Société, était un privilège rare et normal pour quelqu’un de sa stature. Dans l’espace tamisé par une lumière chaleureuse, les tables s’alignaient, chacune accompagnées de ces fauteuils à la teinte rouge carmin. Son attention attirée par la petite scène au fond se vit offrir les services d’une chanteuse suavement apprêtée. Un brouhaha à la fois désagréable et salvateur d’une atmosphère prisée de la haute société l’entoura. Serkan venait régulièrement rappeler à ce cercle la position qu’il arborait. Celle d’une des personnes les plus riches d’Origo, si ce n’était la plus riche à son humble avis. On lui servit un verre comme on tend l’offrande à un roi. Il attrapa entre ses doigts fins la flûte de champagne et vaqua à ses occupations.
En passant devant une table, ses deux précieuses s’abaissèrent sur la sombre stature d’un prénom reconnaissable. Et d’un visage terriblement déroutant. Tellement, qu’il voudrait le faire disparaître à l’instant même pour ne pas ressentir ce pincement agaçant dans sa poitrine froide. Il y a de multiples couleurs pour autant d’états d’âme. La vibrance sauvage de ce dernier lui agressait, caressait sa rétine. Sovannarith Sinha portait son verre à ses lèvres d’une terrible indécences, l’éclair dans ses iris pétillant et aiguisé par les années. Il dégustait la liqueur, à la croisée de l’ivresse et de la joie. Pourtant, il gardait un contrôle sur ses émotions. Serkan le distinguait pour être devenu le maître dans cet art. Son pas ralenti, puis s’arrêta complètement devant lui. Des souvenirs happèrent ses pensées une fraction de seconde, ses doigts se pressèrent sur sa boisson. Il cligna des yeux, refoula la vive impression dans ses abîmes, gonfla de la poitrine.
- Je ne devrais pas être outrée de votre présence en ces lieux, Sovannarith. Mais j’ai toujours du mal avec vous.
J’ai toujours du mal à vous voir.
Tellement que cela me terrifie parfois.
Il le toisa, dissimula le reflux nerveux dans son estomac, maîtrisa chaque parcelle de son âme comme à l’accoutumée. Il était un roi, non un prince, ni même un pauvre. Il gardait la tête froide, haute, le menton défiant la terre entière. Le dos toujours à la merci des flèches, ses arrières jamais protégés par quiconque. Car, à la différence, il confrontait le monde en héros solitaire.
À votre santé, glissa-t-il ironiquement.
Un sourire sarcastique se forma sur ses lippes. Un calme long se dilata. Dans l’attente d’un duel d’âme propre à eux deux, une rumeur se brisa. Deux murs se jaugeaient. L’onde nostalgique de Sovannarith le tourmentait imperceptiblement. Serkan la refoula aussi loin que possible, pour ne percevoir que l’image d’un être faussement riche. Tout comme il l’était. Désir de lui parler, dégoût de lui adresser un mot. Tentation de dériver le long de son cou et de son être, exaspération de le confronter de nouveau.
Comment aurait-il pu faire autrement ? Les reflets de l’âme, la porte sur un autre, il réveillait en lui des souvenirs confus et un souhait inavoué. Qu’il s’en aille loin d’ici.
But so far away02.04
Sovannarith avait un amour du monde sans égal. Il admirait les paysages dansant de chaque cités, toutes érigée dans des aspects si particuliers. Il aimait le sable de numéro un, appréciait les hauteurs de quatre, portait dans son coeur les rougeurs de cinq et se laissait engloutir par sept. Cette dernière avait une atmosphère douce et accueillante, là où ne connaissait que le gel, l'eau se faisait reine des ruelles et portait l'âme. Ce n'était pas pour lui déplaire, au contraire. Il songeait aux habitants du seuil. Il se disait qu'il aimerait les voir profiter d'une douce brise plutôt que du froid glacial. Il se promit de leur faire voir le monde lorsqu'il n'est pas le sien. La Maison était une entité, mais ils s'y étaient enfermé pour protéger des autres. De l'indifférence. De ceux qu'ils côtoient une fois le téléport traversé.
S'il portait une affection démesurée pour le monde, il en méprisait ses habitants. Sovannarith ne plaisait pas toujours, son passé déteignait sur les dorures du cent-un. Il était à l'instar d'une tâche que l'on avait déguisé. Il était cette entité aux idées bien bousculées. On l'aimait à vouloir changer la facette de La Société, on le méprisait pour vouloir renverser l'ordre établi. Il le savait, il ne s'en cachait pas. Il avait réalisé que le conseil était impuissant. Sous le nom d'Euphoria, il assistait à cette mascarade au premier rang. Pire, il en était un des principaux acteurs. C'est pour cela qu'il ne laissera pas son nom, son réel patronyme, usurper sa volonté, son identité. Sovannarith venait du seuil, qu'il en déplaise ou non.
C'était un verre de whisky et les glaçons qui tintent contres le cristal qui lui tenaient compagnie. Vêtu d'un costume blanc parée d'ornement rouges et d'une longue veste sombre, il était difficile de ne pas reconnaitre son allure si particulière. Après tout, il continuait d'avoir cette aura austère. Pourtant, voilà sa tranquillité perturbée. Celui qui s'imaginait roi de ce monde venait le confronter. Qu'il lui donnait tant de mal était un plaisir dont il ne cacherait pas d'apprécier. Il esquissa un sourire avant de venir se faire rencontrer leurs verres comme pour accompagner le souhait de sa santé. Plutôt à la votre, mon cher Serkan. Il ne prend pas le temps d'une quelconque forme de politesse. Il connaissait cette ombre méprisante qu'était ledit Xiuhtecuhtli. Il daignait le regarder de haut en bas, sans aucune mesure celui dont l'égo n'était porté que par sa richesse ne pouvait l'impressionner. Il s'approcha de ce seigneur de numéro un, se pencha sur son épaule, murmura dans un soupire insolent. Il serait temps de vous accommoder à ma personne après tout ce temps. Il se redressa sans que pour tant son expression n'ai quitté son visage. Je ne compte pas vous quitter de sitôt. Au contraire, je compte bien vous hanter jusqu'à renverser l'ordre établi, mon cher ami. Il piétinerait même ceux qui s'élèvent au dessus du ciel s'il le devait.
Same place,
but so far away.
Une douce réverbération diaprait le plafond. Elle dansait dans ses yeux telles des flammes insoumises, cachées par cet air flâneur. Sovannarith se confondait parfaitement avec les teintes chatoyantes, les voix exacerbées des convives, et les lourds ornements de la pièce. Les projecteurs rendaient la lumière polychrome. Elle se dispersait sur les murs, sa silhouette et les escaliers. Sovannarith se dissimulait dans cette excessivité indolente et ce luxe somptuaire qui rubéfiaient les pupilles. Cela agaçait terriblement Serkan. Ses joues frémissaient d’agacement. Son regard sur lui était intense et sa bouche attentive, leur rencontre s’apparentait à un tremblement dans son âme et il flottait cet odeur mellifluent de discorde dissimulatrice, à l’énigme de ses gestes, de ses propos. Serkan méprisait quiconque, tout le monde, l’univers. Ses expressions acerbes luisaient dans une détresse silencieuse. Il ne l’admettrait sûrement jamais. Plutôt mourir dans les bidonvilles d’Origo comme un parasite que d’admettre les réactions sur son épiderme provoquées par le paysan.
Parfois, il ignorait ses émotions compliquées à lui tordre l’estomac. Il attendait simplement qu’elles passent, sans se soucier des conséquences. Puis, dans d’autres, il se devait d’en porter une infime attention, ce qui, dans le cas présent, l’amenait à adresser la parole à un être humain. Si on pouvait appeler ça ainsi. Personne n’aimait Serkan, tout le monde masquait son aversion à son encontre. Qui pourrait l’apprécier ? Avec ses remarques abjectes, cette manière de jauger le monde, de cracher sur les faibles, de marcher sur la racaille. Il se drapait dans les parures d’un prince, il se croyait être un homme mais il n’était qu’une bête cruelle et solitaire. Sur ses pommettes, les sillons des larmes avaient disparu sous la sécheresse du soleil de numéro un, ou de celui de son cœur appauvri. Tout rutilait sur lui, de ses bijoux jusqu’à la soie couvrant ses lignes amaigries. Le trouble de son sourire s’arqua face à l’habitant des beaux quartiers de cinq. Il mourrait s’il devait le remercier pour quoi que ce soit. Il réprima un tressaillement quand l’homme se pencha sur lui, d'une stature légèrement plus haute, quand son haleine caressa sa peau nue, quand son timbre insolent secoua ses mèches.
Serkan le lorgna dans une irritation sincère. Ses narines se dilatèrent, ses dents se serrèrent. Il lâcha un sourire narquois, imbus de lui-même afin peut-être de tout refouler. Le traiter en égal ? Impossible.
- M'accommoder à vous ? haussa-t-il d’un sourcil comme surpris d’un tel propos. Oh, mon cher petit Sova', je ne m’accommode pas quand je refuse de me mêler à la vermine.
Sa respiration s’emballait un peu plus, l’énervement le gagnait mais il ne devait perdre le contrôle face à lui. Surtout pas lui. Un jour, ni demain, ni dans le mois, il arrêterait d’être le mystérieux élu de ses mensonges. Celui qui, dans le secret de ses nuits, offrait ses lèvres aux ombres, ses bras aux songes, ses cris aux souvenirs, ses sanglots aux cauchemars. Ses iris se plongeaient dans ceux de son vis-à-vis, son échange s’imprécisa une seconde et se retira. Un frôlement dont on ne pouvait se rendre compte seulement si on était attentif à cette lamentable confrontation. Le hanter ? Il le faisait déjà. Sovannarith ébranlait quelque chose au fond de lui, une sorte de conviction enfoui, emmi dans un champ de masques. Il ne l’avouerait sûrement jamais. Du moins, pas de cette manière.
Je vous trouve bien arrogant pour croire qu’il est possible que vous me hantez. Je sais que vous éprouvez l’envie permanente d’être à mes côtés, d’habiter mes pensées pour me tourmenter, mais cher ami, cingle-t-il sarcastique en appuyant son appellation. Il en faut plus pour me posséder, il marque une pause rieuse, moi et mon esprit.
Le posséder, le faire changer d’avis, oppresser ses idéaux, Serkan ne mentirait pas en disant qu’il était curieux. Il s’esclaffa légèrement, puis se noya à nouveau dans la chaleur de ces iris, celles qui brasillaient et fondaient comme un métal chaud. Un rictus habilla son masque. Il trônait et, s’il le devait, il piétinerait ceux qui osaient le défier sous les nuages.
But so far away02.04
Une part de lui-même hurle : jamais, il ne saurait s'accommoder à la haute. À ces gens qui se comportent comme si le monde devait être à leurs pieds. À ces rois qui s'imaginent régner sans impunité. Sovannarith a beau se tenir à leur côté, il y éprouve toujours une certaine forme d'indignité. Il ressent parfois ces regards déplaisant lui signalant que sa place n'est pas ici. Le plus souvent, c'est sans un mot que l'amertume s'exprime. Alors, quand elle prend forme, quand les opinons s'élèvent, elles grincent. Si Serkan osaient prononcer ce qu'il savait déjà, ce n'était pas pour lui plaire, au contraire. Quelque part, c'était aussi grisant que de savoir qu'il avait cette force-là. Qu'ils le veuillent ou non, nul ne pouvait le chasser.
Il pouvait lire sur le visage du faux-roi de Numéro Un que chacune de ses approches l'irritait. Qu'il prenne garde, il avait souhaité lui rappeler sa place, mais jamais il ne céderait celle qu'il a subtilisée. Entre usurpateurs, il n'y avait pas d'ordre établi. Alors qu'il daigne l'appeler vermine, à se rassurer que son existence est moindre. Qu'il daigne croire que son existence lui importe peu, lorsqu'il vient à sa rencontre. Qu'il daigne le jeter aux bas-fonds de Numéro Cinq, après tout, c'est de là qu'il vient. Vous accordez tant d'importance à votre image que vous vous affichiez en ridicule, Serkan. Ça ne lui échappe certainement pas. Il le pense et le sait. Il joue au même jeu lorsqu'il est Euphoria. Pourtant, jamais il n'attaquerait ses pairs. Il a ce que les membres du cent-un ont tendance à oublier : de la dignité.
Ledit Xiuhtecuhtli ne soutenait même pas son regard qu'il prétendait le menacer. Il hausse les épaules, pousse un soupir, dépose son verre de whisky sur une des tables disposée à moins d'un pas. Il glisse de son index une de ses mèches tombantes devant son visage, la replaçant derrière son oreille. Il lorgne sur ce qu'il pourrait si facilement briser si sa conscience ne le rappelait pas à l'ordre.
Je vous trouve d'autant plus prétentieux que de croire que je veuille vous posséder. Vous et votre esprit. Il lève le menton, laisse son regard tomber sur le faciès du serpent des sables, avance d'un pas pour le forcer de reculer d'un autre. Encore et encore. Jusqu'à qu'il n'y ait plus d'échappatoire, jusqu'à réduire la distance entre la richesse et la misère. Combler tout ce qui fait défaut à leur échange et à La Société. Vous provoquez sans vous soucier de ce qu'il peut bien vous arriver. Êtes-vous si naïf ? Vous n'êtes pas le centre de ce monde, loin de là. Ou bien manquez-vous tant d'attention que vous avez besoin de la mienne ? Vous savez, vous pouvez être honnête, j'ai vu des gens comme vous passer bien avant que de fréquenter ces lieux : seul depuis leur tour d'ivoire, en manque d'amour et de compagnie. Il n'y a pas de honte. Cependant, je ne vous permets pas de mépriser ceux qui jour et nuit se battent pour façonner votre petite vie dorée. Les octaves descendent en même temps que son discours. Il a la descendance de ne pas l'humilier haut et fort. De laisser ses propos ne flotter qu'en l'espace réduit entre leurs deux entités. Lui, n'a rien à perdre. Il vient du néant et a tout acquis. Le monde ne lui a jamais menti sur ses joies et ses malheurs et il a su les aimer. Alors, il peut en accepter même les facettes les plus laides. Vous ne devriez pas mépriser ceux qui connaissent la misère, car ce sont ceux qu'on ne peut arrêter. Vous devriez craindre ceux qui n'ont rien à perdre et je le dis pour votre bien. Parce que lui, on l'excusera de ne pas savoir se comporter, pas un autre.
Same place,
but so far away.
Ni compris, ni aimé, une part de lui-même hurlait : jamais, il ne saurait apprécier autrui. Pourtant, il fallait admettre qu’il n’essayait pas non plus d’arranger cette réputation. Ses oreilles se fermaient pour n’entendre que lui. Les gens le dégoutaient, profondément. Il ne supportait pas de se tenir à côté de ceux qui se pavanaient dans l’ombre pour en apprécier les contours. Plutôt se rouler dans la boue avec les porcs que de ressembler à la vermine des bas-fonds. Svarog le défia du menton. Il ressentait un maelström d’émotions, toutes plus tendues les unes que les autres. Sur son épiderme, il percevait les regards curieux et les langues de vipères goûter sa peau. Râpeuses, caustiques, elles blessaient sa surface, sans en égratigner le cœur. Celui qui avait été fissuré des années plus tôt, celui qui se rappelait encore des baisers échangés avec le goût de ses larmes, non des siennes. Depuis, le soleil se cloîtrait dans son cercueil et la lune se couvrait d’un voile de deuil. Le jour et la nuit se confondaient et se noyaient dans une vague sibylline.
Il n'était pas ridicule. Il ne le serait jamais.
Car il était Serkan, un roi maudît, détesté, souillé, endeuillé. Son sang chantait une oraison solitaire.
Alors même s’il venait à sombrer, le prince déchu ne s’abaisserait jamais aux bassesses de ces enfants damnés.
Se croyait-il plus intelligent ? Le sauveur des pauvres se croyait-il assez digne ? Se comparait-il à un être incomparable ?
Il aimait pousser un stupide riche de numéro Cinq dans ses retranchements, même si cela signifiait s’abandonner également. Au fond, peut-être que c’était cette adrénaline corrompue qui l’attirait fermement vers un homme répugnant. Une chose les séparait grandement : la légitimité. Sovannarith resterait à jamais un vagabond, un homme qui ne serait jamais le bienvenue en bas et en haut. Méprisé par son propre rang pour ce qu’il était devenu et par ceux qui le toisaient depuis toujours. Jusqu’à sa mort, il n’appartiendrait à aucun monde, les pieds sur deux plaques tectoniques qui s’éloignaient l’une de l’autre. En quelque sorte, lui et Svarog se défiaient, telle une opposition des faces distinctes d’une pièce, de deux miroirs qui reflétaient l’éternité.
Seulement, quelque chose les poussait à se chercher, à se toiser, inconsciemment, imperceptiblement. Il était certain, car comme deux murs infranchissables ils se percutaient avec la violence des continents.
- Vous me croyez ridicule ? Mais qui ose me répondre, Sova. Vous plongez avec moi.
La vie semblait s’arrêter quand son odeur épicée chatouilla ses narines. Chaque mouvement, chaque brise, chaque coup d'œil, Svarog n’était pas dupe. Il le rejetait de tout son être, mais cette tension entre eux ne serait pas aveuglée par la répulsion. Elle modelait l’espace avec une lenteur désastreuse, convoitée par la plupart, cachée pour ces êtres impénétrables.
Serkan garda le torse bombé, la tête haute, devant son vis à vis. La distance s’amenuisa, telle qu’il devait lever la tête pour garder un contact visuel. Il ne devait pas fuir autant pour ne pas perdre la face que pour garder ses étincelles désordonnées et innommées. Chacun de ses mots roulaient sur son échine d’une agressivité mordante. Néanmoins, Serkan était le maître quand il supposait ne rien révéler des dégâts causés. À l’intérieur.
Un rictus fendit son visage dénué d’imperfection. Ses doigts glissèrent vers Sovannarith. Naïf ? Bien qu’il se montrait superficiel, le blond ne s’affabulait plus d’un tel trait de caractère. Depuis fort longtemps, l’innocence brisée n’existait plus. Il replaça son autre mèche brune derrière l'oreille, celle qui persistait à pendre le long de sa joue halée. Ses propos ne paraissaient pas exempts de vérité. Il le reconnaissait en quelque sorte, la fierté ne le dirait pas à voix haute.
Il n’était pas Serkan Xiuhtecuhtli pour rien.
- Pourquoi aurais-je besoin de la vôtre alors que je me l’accapare avec tant de facilité ? Vous me regardez. Vous me voyez comme je vous vois, d’une manière diamétralement opposée. L’honnêteté ne fait pas partie de notre monde. Alors que vous nous fréquentez, vous devez le savoir plus que n’importe qui. La vérité n’est pas de droit. Elle ne l’a jamais été. N’oubliez pas qui façonne vôtre vie dorée, car, Sovannarith, vous vous trouvez ici.
Pour lui ou pour cet homme. Il ne faisait que mentir à eux-même dans cette réalité et s’amusait dans l’autre. Serkan se pencha, réduisant l’espace entre eux, sous l’attention médusée d’un peuple surélevé par les circonstances et les grattes-ciels. Il chuchota, pour que seul lui ne l’entende.
- Dois-je vous craindre ou vous désirez vous qui n’appartenez à nuls lieux que ceux que vous hantez ?
Pour ainsi se confondre dans un parfum qui ne lui rappelait pas celui d’un autre. Pour une fois.
But so far away02.04
Il y a chez Serkan un je-ne-sais quoi qui ne cesse de contrarier Sovannarith. Leurs échanges le dérange, tout comme son regard sur sa peau, brûlant son échine d'une étincelle qu'il ne saurait déceler. Un feu a été décalé avant même qu'il ne s'en rende compte, avant même que la fumée ne vienne l'alerter. Le roi de numéro un cherche quelque chose et ce n'est pas lui. Le maitre de la cité du sable ne trouvera pas de chaleur dans numéro cinq. Pourtant, il se heurte volontiers contre la glace, fervent croyant que les braises l'emportent toujours. Cinq pourrait ignorer Un, mais il s'amuse de voir l'opulence se démener face à lui. Il est traité de rien par les plus grands, l'attention de leur monde est réduit au sien.
Sovannarith rit aux éclats, assassine durant un instant l'intimité. Jamais je ne vous penserais ridicule, Serkan. Cependant, vous faites erreur. Je n'ai pas besoin de plonger, j'appartiens déjà aux bassesses de ce monde.
Il sait que ledit Xiuhtecuhtli n'abandonnerait pas. Il n'a jamais fléchit le genoux, jamais admit une défaite, jamais perdu son honneur quand bien même le jeu n'est pas en sa faveur. Voilà la seule chose qu'il n'a jamais perdu : la face. Respecté, mais méprisé. Ce n'est pas une réalité, personne ne porte d'égards à ceux qu'ils haïssent. Sovannarith ne peut alors définir ses sentiments à l'égard du tyran bien solitaire. Il ne le déteste certainement pas, mais il est aussi bien loin l'apprécier. Distrayant est sûrement le bon terme. C'est cela, il le trouve fascinant.
Assassinée, elle revient. Chaque geste que le roi dessine, crée un espace qu'il les amène à coexister. Il n'y a rien d'autres que leurs entités. Les paroles prononcées ont de nombreuses facettes, mais aucune d'entre elles ne semblent réelles. Ses doigts effleurent la peau du propriétaire de la Maison Yoshiwara. L'ambiguïté flotte, mais jamais ne se rencontre. Et si nous inversion la question. Et ses mains glissèrent sur la paume opaline dudit roi, chatouillant du bout de ses ongles sa chair, venant la rattraper. Ses phalanges se glissèrent entre ses doigts, désormais prisonnier. Dois-je m'en aller ? Il ne sait pas ce qu'il a prouver, si c'est une bonne idée, s'il doit continuer. Il se penche sur cette silhouette qu'il domine naturellement de sa hauteur, plonge son autre main dans le creux de son dos, le drapée épousant les courbes qui lui sont imposées. Vous me méprisez autant que vous me retenez, Serkan. Un sourire s'esquisse sur le visage confiant de Sovannarith. Je vous hante. Il en est persuadé. Toutes les conjectures l'y mène, mais Pourquoi, donc ? Il ne le laisserais pas sans réponse. Son ordre est troublé à chaque fois que leurs chemins sont menés à se rencontrer. L'honnêteté n'est pas votre coutume, mais bien la mienne. Je n'ai ni honte, ni tabou. Je n'ai rien à perdre, souvenez-vous. Mais, je peux vous mener à votre ruine. J'ai quelque chose qui vous intéresse. Je ne sais pas ce dont il s'agit, mais je le sens bien. Numéro un n'a rien a envier à cinq. Il a toujours tout eu pour lui, ils n'ont rien en commun, si ce n'est que ces stupides rassemblement de leur cercle. Alors, la réponse lui échappait. Ce je-ne-sais-quoi le troublait. Me mépriser ne vous suffit pas. Il souffle sur ses lèvres. Un mot de votre part suffirait, Serkan. Dites-le. Soyez honnête et oubliez votre honneur.
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