Same place,
but so far away.
Feat Sovannarith Sinha.
Une douce réverbération diaprait le plafond. Elle dansait dans ses yeux telles des flammes insoumises, cachées par cet air flâneur. Sovannarith se confondait parfaitement avec les teintes chatoyantes, les voix exacerbées des convives, et les lourds ornements de la pièce. Les projecteurs rendaient la lumière polychrome. Elle se dispersait sur les murs, sa silhouette et les escaliers. Sovannarith se dissimulait dans cette excessivité indolente et ce luxe somptuaire qui rubéfiaient les pupilles. Cela agaçait terriblement Serkan. Ses joues frémissaient d’agacement. Son regard sur lui était intense et sa bouche attentive, leur rencontre s’apparentait à un tremblement dans son âme et il flottait cet odeur mellifluent de discorde dissimulatrice, à l’énigme de ses gestes, de ses propos. Serkan méprisait quiconque, tout le monde, l’univers. Ses expressions acerbes luisaient dans une détresse silencieuse. Il ne l’admettrait sûrement jamais. Plutôt mourir dans les bidonvilles d’Origo comme un parasite que d’admettre les réactions sur son épiderme provoquées par le paysan.
Parfois, il ignorait ses émotions compliquées à lui tordre l’estomac. Il attendait simplement qu’elles passent, sans se soucier des conséquences. Puis, dans d’autres, il se devait d’en porter une infime attention, ce qui, dans le cas présent, l’amenait à adresser la parole à un être humain. Si on pouvait appeler ça ainsi. Personne n’aimait Serkan, tout le monde masquait son aversion à son encontre. Qui pourrait l’apprécier ? Avec ses remarques abjectes, cette manière de jauger le monde, de cracher sur les faibles, de marcher sur la racaille. Il se drapait dans les parures d’un prince, il se croyait être un homme mais il n’était qu’une bête cruelle et solitaire. Sur ses pommettes, les sillons des larmes avaient disparu sous la sécheresse du soleil de numéro un, ou de celui de son cœur appauvri. Tout rutilait sur lui, de ses bijoux jusqu’à la soie couvrant ses lignes amaigries. Le trouble de son sourire s’arqua face à l’habitant des beaux quartiers de cinq. Il mourrait s’il devait le remercier pour quoi que ce soit. Il réprima un tressaillement quand l’homme se pencha sur lui, d'une stature légèrement plus haute, quand son haleine caressa sa peau nue, quand son timbre insolent secoua ses mèches.
Serkan le lorgna dans une irritation sincère. Ses narines se dilatèrent, ses dents se serrèrent. Il lâcha un sourire narquois, imbus de lui-même afin peut-être de tout refouler. Le traiter en égal ? Impossible.
- M'accommoder à vous ? haussa-t-il d’un sourcil comme surpris d’un tel propos. Oh, mon cher petit Sova', je ne m’accommode pas quand je refuse de me mêler à la vermine.
Sa respiration s’emballait un peu plus, l’énervement le gagnait mais il ne devait perdre le contrôle face à lui. Surtout pas lui. Un jour, ni demain, ni dans le mois, il arrêterait d’être le mystérieux élu de ses mensonges. Celui qui, dans le secret de ses nuits, offrait ses lèvres aux ombres, ses bras aux songes, ses cris aux souvenirs, ses sanglots aux cauchemars. Ses iris se plongeaient dans ceux de son vis-à-vis, son échange s’imprécisa une seconde et se retira. Un frôlement dont on ne pouvait se rendre compte seulement si on était attentif à cette lamentable confrontation. Le hanter ? Il le faisait déjà. Sovannarith ébranlait quelque chose au fond de lui, une sorte de conviction enfoui, emmi dans un champ de masques. Il ne l’avouerait sûrement jamais. Du moins, pas de cette manière.
Je vous trouve bien arrogant pour croire qu’il est possible que vous me hantez. Je sais que vous éprouvez l’envie permanente d’être à mes côtés, d’habiter mes pensées pour me tourmenter, mais cher ami, cingle-t-il sarcastique en appuyant son appellation. Il en faut plus pour me posséder, il marque une pause rieuse, moi et mon esprit.
Le posséder, le faire changer d’avis, oppresser ses idéaux, Serkan ne mentirait pas en disant qu’il était curieux. Il s’esclaffa légèrement, puis se noya à nouveau dans la chaleur de ces iris, celles qui brasillaient et fondaient comme un métal chaud. Un rictus habilla son masque. Il trônait et, s’il le devait, il piétinerait ceux qui osaient le défier sous les nuages.
artemis